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Echange pieds de tomate contre cours d'informatique

jeu, 06/13/2013 - 10:10


Le journaliste Emmanuel Daniel s'est lancé mi-juin dans un Tour de France des alternatives pour partir à la rencontre de ceux qui construisent aujourd'hui le monde de demain. Nous le suivons sur ses étapes franciliennes.

 


Échanger sans dépenser d'euros. C'est ce que permettent les systèmes d'échange locaux (SEL), sorte de troc amélioré basé sur l'entraide entre les habitants d'un territoire. Les membres s'échangent biens et services divers tout en recréant du lien social, comme ici à Fontenay (94).

La France n’a jamais produit autant de biens et de services. Pourtant, même si le gâteau ne cesse de grandir, force est de constater que tout le monde n’a pas la possibilité de croquer dedans, faute d’avoir un portefeuille assez épais. Heureusement, le manque d’euros peut être pallié par la solidarité. C’est ce que démontre au quotidien la trentaine d’adhérents du Système d’échange local (SEL) du Val de Fontenay (94).

Plutôt que de passer par le circuit marchand classique, ils échangent biens, services et savoirs, le tout sans débourser un centime. Ustensiles de cuisine, cours de pianos, réparations diverses, gardes de chat, conseils à la création d’association, dépannage informatique… Les membres peuvent tout échanger entre eux. « La seule limite est celle fixée par leur imagination », assure Isabelle, un des piliers de l’association. Pour comptabiliser leurs transactions, les selistes, c’est leur nom, utilisent une monnaie virtuelle baptisée plumes (cf photo ci-dessous). Lors de leur adhésion, ils voient leur compte crédité de 500 unités qu’ils pourront utiliser pour échanger avec d’autres.
 


Le troc du XXIème siècle

« Pierre donne des plans de tomates à Jacqueline. Avec les Plumes qu’il a reçu, il va pouvoir participer à un cours de danse orientale animé par Barbara qui aura ainsi la possibilité de faire appel à Jérôme pour poser une étagère chez elle. Et avec les plumes qu’il a reçu, Jérôme sera en mesure de s’acheter une friteuse…. Chacun est incité à rendre service pour obtenir des unités et ainsi bénéficier d’un autre service en échange », explique Isabelle.

A la différence du troc qui se limite à un échange de personne à personne, le SEL permet d’échanger en réseau et ainsi de pouvoir accéder gratuitement à une large gamme de biens et services que les plus démunis ne pouvaient habituellement pas s’offrir.

Pour autant, le SEL ne se limite pas à un moyen de lutter contre la précarité. Parce que les compétences de chacun, généralement ignorées par le marché de l’emploi, sont reconnues, les adhérents qui étaient en situation d’exclusion se sentent de nouveau utiles aux autres et reprennent confiance dans leurs capacités.
 

Effacer les différences

C’est également « un groupe d’échange, un moyen de créer du lien social, de passer du temps entre voisins pour vivre autre chose, dans le respect de chacun », assure Isabelle. On y retrouve des cadres supérieurs, comme des précaires et les retraités côtoient les jeunes qui viennent se sensibiliser aux valeurs du partage et du recyclage.

« Vu que ce système efface les différences, tout le monde y trouve quelque chose : amitié, enrichissement culturel, philosophique, ouverture aux autres… », poursuit-elle.

Les selistes se rencontrent lors d’ateliers de cuisine vietnamienne, de cours de gymnastique animés par un des membres ou encore pendant les bourses d’échange ou les après-midi passées au jardin partagé. Viennent aussi des personnes déficientes mentales. « C’est une bouffée d’oxygène pour elles de passer du temps avec des gens ‘normaux’ sans être discriminés », glisse une seliste.

Les réunions sont donc autant l’occasion de faire des bonnes affaires qu’un prétexte pour se rencontrer. « Ça permet de tisser des liens et de lutter contre l’isolement, c’est un complément à la vie familiale, estime Isabelle. Il y a beaucoup de familles qui n’ont pas le temps ou ne voient pas l’intérêt de rendre des menus services à leurs proches. Alors qu’ici je connais les enfants et parfois les petits enfants des adhérents ».
 


Une école du vivre-ensemble

Plus qu’une action de solidarité, le Sel est donc une école du vivre-ensemble, un moyen de réapprendre à faire société et à échanger entre voisins qui avaient pris l’habitude de s’ignorer. C’est d’ailleurs ce qui a attiré Zora qui vient surtout pour « rencontrer du monde et partager des moments de convivialité ».

Un système basé sur la gratuité et la réciprocité peut paraître surprenant dans une société reposant sur l’échange marchand. Pourtant les selistes n’ont rien inventé. Ils ne font que remettre au goût du jour une organisation qui caractérisait nombre de sociétés dites archaïques, à savoir la triple obligation de donner, recevoir et rendre.

Et bien que les SEL ne soient pas nés avec la crise (le premier SEL français date de 1990), ils se sont fortement développés ces dernières années, en raison de la hausse du chômage et de la précarité qui rendaient nécessaire la mise en place de moyens d’échange ne passant pas par l’euro. Aujourd’hui, on en compte plus de 300 en France regroupant plus de 20 000 personnes. Preuve que les SEL répondent (partiellement) à une aspiration que ni le marché, ni l’État n’arrivent à eux seuls à satisfaire : celle de vouloir vivre dignement dans le respect des hommes et de l’environnement.

 

D'une ressourcerie au Lycée autogéré de Paris, Emmanuel Daniel visitera encore de nombreuses utopies concrètes en Ile-de-France et en France. Vous pouvez suivre son périple ici.

 

Publié initialement sur Le Tour de France des Alternatives.
Photos : Emmanuel Daniel

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source :

http://www.iledefrance2030.fr/savoirs/comprendre/echange-pieds-de-tomate-contre-cours-dinformatique/

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